L’adoption des contrats agiles avec SAFe

L'adoption des contrats agiles avec SAFe

Cet article inaugure une série de trois articles dédiés aux contrats agiles. Nous allons explorer les principes, les pratiques et les avantages de la contractualisation agile, en mettant un accent particulier sur les contrats d’investissement gérés avec SAFe. Nous examinerons comment les contrats agiles peuvent transformer la relation client-fournisseur en un partenariat gagnant-gagnant fondé sur l’atteinte de résultats concrets. Cet article est le fruit de nos réflexions tirées de nos expériences sur mise en place de contrat d’investissement géré avec SAFe dans les secteurs privé et public.

Pour une agilité sur l’ensemble de la chaîne de valeur

Depuis l’écriture du manifeste agile, la réalisation logicielle au sein des organisations a subi une transformation significative. L’adoption croissante de l’agilité dans les entreprises a favorisé une collaboration accrue avec les utilisateurs finaux, une livraison de valeur incrémentale, une adaptabilité constante face aux changements au bénéfice de la satisfaction du client. De nouveaux rôles tels que Product Owners, Product Managers et Business Owners se sont ajoutés à la force de travail, collaborant étroitement avec les équipes et les clients finaux pour accélérer les flux de livraison de valeur.  L’approche SAFe, développée au début des années 2010, facilite la collaboration de dizaines, voire de centaines d’équipes agiles, au sein de trains de livraison agiles et de trains de solution.

Malgré l’adoption croissante des approches agiles, les organisations qui dépendent fortement des fournisseurs ne constatent qu’une amélioration marginale de leur performance comparativement à l’approche traditionnelle en cascade. Ceci s’explique par le fait que, bien que ces organisations aient optimisé leur fonctionnement interne avec des méthodes Lean-Agile, la relation externe avec leurs fournisseurs reste entravée par des pratiques de contractualisation désuètes. Les contrats qui reposent sur des spécifications immuables et une documentation exhaustive entrent en conflit avec la dynamique des projets agiles où l’apprentissage continu et l’adaptation aux changements sont au coeur de la pratique agile. Ces organisations ne bénéficient donc pas pleinement des avantages de l’agilité mais héritent de l’ensemble des problèmes associés au modèle en cascade. C’est un fait de la pensée systémique : un système ne peut évoluer plus vite que son point d’intégration le plus lent.

Pour relever les défis d’un monde post-covid de plus en plus incertain et volatile (VUCA), il est crucial de revoir notre manière de collaborer avec nos fournisseurs et d’adopter une approche agile sur l’ensemble du flux de création de valeur.

Un peu d’historique sur les contrats

Les contrats varient généralement selon un spectre qui va du contrat à prix fixe au contrat de temps et matériel. Entre ces deux modèles, il existe un ensemble de variantes comme les contrats à prix cible ou à coût majoré, où les parties partagent à la fois les bénéfices et les risques liés aux variations de prix ou de délais.

Les différents types de contrats traditionnels adapté de Agile Contract @Scaled Agile Inc.

Le contrat à prix fixe

Le contrat à prix fixe est issu du monde du développement en cascade. Les étapes de développement étant linéaires et minutieusement documentées, le fournisseur s’engage à livrer le projet selon les termes prédéfinis durant les phases antérieures. Ce contrat précise les fonctionnalités, les délais et les coûts à l’avance dans ce que l’on nomme le triangle de fer.

Winston Royce, Managing the Development of Large Software Systems, 1970

Cette approche contractuelle est privilégiée lorsque les exigences du projet sont clairement définies et peu susceptibles de changer. Cependant, dans nos environnements numériques en constante disruption, où la réalisation d’un projet informatique relève davantage de la recherche et développement que du processus manufacturier, cette méthode devient rapidement inadéquate.

  • Elle tend à fixer les spécifications trop tôt, ce qui limite la flexibilité et augmente les risques d’inadéquation du livrable.
  • Elle exclut bien souvent le donneur d’ordre du processus de développement logiciel ce qui conduit à des résultats médiocres.
  • Ces contrats sont également caractérisés par de longs cycles d’acquisition, ce qui augmente les coûts de délai et ne répond pas aux besoins des entreprises en termes de rapidité, de flexibilité et d’adaptabilité.
  • Pire encore, elle favorise l’octroi du contrat au soumissionnaire le plus bas, ce qui ajoute une pression à la baisse sur la qualité du produit ou du service livré tout en plaçant la majorité des risques sur les épaules du fournisseur, contraint de naviguer dans ces limitations.

Le contrat temps et matériel

À l’inverse, le contrat temps et matériel permet au client de payer pour les ressources utilisées sans focus précis sur leur engagement. Les spécifications, les dates de livraison et le coût total peuvent varier en fonction de l’évolution des besoins du projet. Ce type de contrat offre plus de flexibilité que le contrat à prix fixe et en ce sens, ils peuvent de prime abord sembler idéal dans un contexte agile.

En réalité, les projets basés sur des contrats de temps et matériel ont tendance à s’éterniser et à dépasser les coûts prévus, car il n’est pas dans l’intérêt du fournisseur de conclure rapidement son mandat. Que le projet adopte une méthode agile ou non, le client est chargé de gérer l’ensemble du projet, y compris le contrôle du budget et la qualité du travail. C’est à lui que revient la responsabilité de gérer les engagements et que les collaborateurs du fournisseur soient utilisés de manière optimale pour qu’ils livrent la valeur selon ses attentes. L’ensemble des risques de livraison est ainsi déplacé sur les épaules du client.

Les contrats à prix cible ou à coût majoré

Les contrats à prix cible et à coût majoré tentent de combiner les avantages des modèles à prix fixe et de ceux du temps et matériel. Cependant, ils introduisent un niveau de complexité et des incertitudes qui peuvent rapidement s’avérer contre-productifs.

  • Les contrats à prix cible offrent un partage des risques et des bénéfices dans le cas où les coûts dépassent le prix cible, ou inversement, si les performances surpassent les attentes. Cependant, ils ne sont pas toujours adaptés aux projets situés dans des environnements dynamiques où les besoins évoluent rapidement et de manière itérative. Le processus de renégociation des objectifs et des coûts peut être lent et fastidieux, ce qui contraste avec l’environnement agile qui privilégie la rapidité et la flexibilité.
  • Les contrats à coût majoré impliquent que le fournisseur est remboursé pour les coûts engagés plus une marge bénéficiaire fixe. Cela peut mener à une gestion moins rigoureuse des ressources, augmentant ainsi le risque de dépassement budgétaire pour le client, car il n’est pas dans l’intérêt du fournisseur de diminuer les coûts.

En somme, ces contrats n’offrent pas de solution efficace pour la contractualisation dans un environnement agile. Ils transfèrent les risques et la gestion du contrat d’une partie à l’autre sans assurer l’adaptabilité et la fluidité de l’engagement.

Approches contractuelles dans un contexte agile

Dans un contexte agile, les modèles contractuels suivants sont fréquemment utilisés :

  • Contrat à prix fixe par sprint : Dans ce modèle, l’équipe agile s’engage à livrer un ensemble défini d’objectifs par sprint pour un prix fixé en fonction de la vélocité ou de la capacité de l’équipe. Ce format demande une clarté des objectifs du sprint et devrait permettre une prévisibilité des coûts pour chaque sprint de développement.
  • Contrat à prix fixe par récit : Dans ce modèle de contrat à prix fixe par récit, chaque récit est livré selon des critères d’acceptation préalablement spécifiés. Cette approche exige une gestion plus minutieuse, car elle requiert que chaque récit soit évalué individuellement, au-delà de la simple atteinte des objectifs du sprint.
  • Contrat à prix fixe par points de récit : Dans ce type de contrat, le paiement est basé sur la complexité estimée des tâches complétées mesurée en points de récit ou sur la vélocité de l’équipe. Ce modèle est plus proche d’un contrat de temps et matériel que les deux précédents, car le paiement est directement lié à la réalisation d’une tâche ou à un effort spécifique. Cela déplace une grande partie du risque sur le client qui doit s’assurer que les tâches sont non seulement correctement définies et réalisables dans le cadre préétabli, mais aussi qu’elles sont alignées avec les objectifs globaux de l’organisation.

Ces approches sont parfois utilisées conjointement selon les contraintes du projet. Bien qu’elles semblent s’intégrer naturellement dans une démarche agile, en l’absence d’une gouvernance appropriée, elles tendent fréquemment à favoriser des engagements principalement axés sur les livrables plutôt que sur les résultats finaux et à déplacer la gestion et les risques sur le client. Il est donc crucial de porter une attention particulière à la formalisation de la vision, à la définition des objectifs de résultats et à l’évaluation continue pour s’assurer que les accords reflètent non seulement la livraison de tâches spécifiques mais aussi la création de valeur réelle pour le client.

Le défi de la contractualisation dans un environnement agile réside dans la capacité à combiner la flexibilité du contrat de temps et matériel avec les engagements du contrat à prix fixe, afin d’assurer un alignement avec les objectifs stratégiques qui peuvent changer tout en prévenant les dépassements de coûts.

Les responsables du sourcing et de la gestion des fournisseurs doivent concilier la culture collaborative et flexible du développement logiciel agile avec la discipline plus rigide de la gestion des contrats d’externalisation des applications. Modifiez les stratégies de sourcing pour adopter les principes de confiance de l’agile tout en vérifiant que les fournisseurs livrent ce qui est attendu.

Gartner, How to Contract for Agile Development Services, 2017.

L’approche collaborative avec le “Contrat d’investissement gérés avec SAFe”

Introduit par Drew Jemilo à l’Agile 2015, le contrat d’investissement géré avec SAFe est conçu pour encourager le partage des responsabilités à travers une coopération ouverte et une cogestion des risques. Contrairement aux approches précédentes, ce contrat tire parti du cadre SAFe pour intégrer nativement la gouvernance et les événements de collaboration et de validation tels que le PI planning, la Démonstration Système et l’Inspection et l’adaptation. Cette approche permet aux parties de s’engager de manière crédible sur des objectifs sans compromettre l’adaptabilité.

Ce contrat permet de valider la valeur livrée à chaque PI et même à chaque itération, tout en facilitant l’anticipation des problèmes, le renforcement de la coopération et, si nécessaire, le réajustement des engagements.

Les contrats selon une estimation de leur gestion des risques et leur adaptabilité

Cette plus grande flexibilité permet l’expérimentation et l’innovation souvent négligées dans les accords conventionnels. Le contrat d’investissement gérés avec SAFe se distingue également par une gestion plus efficace des coûts, une meilleure gestion des délais et une adaptabilité constante face aux changements. Proposant une méthode dynamique et plus souple de collaboration, ces contrats agiles sont particulièrement adaptés pour prospérer dans un milieu technologique avec beaucoup d’incertitudes tout en nécessitant de baliser la valeur livrée.

Au fil du temps, ce modèle de contractualisation agile renforce la relation de partenariat entre le client et le fournisseur et assure l’alignement du fournisseur avec les objectifs stratégiques du client.


Dans le prochain article nous verrons dans le détail les 4 étapes du contrat d’investissement gérés avec SAFe:

  1. Le pré-engagement
  2. La définition du contrat
  3. L’exécution du contrat
  4. La fin du contrat

 


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Rédigé par Etienne Laverdière, SPCT et Hélène MALO-WITTEMBERG, SPC